Le CSNE permet de remplacer les camions de l’autoroute A1 ?

Le canal serait un investissement de développement durable car il permettrait de remplacer des camions à par des bateaux, moins polluants. Les estimations de VNF évoquent un report modal équivalent à 700 000 camions transportant 5,9 millions de tonnes vers la voie d’eau, soit 280 000 tonnes de CO2 évitées (chiffres VNF).

Manuel Valls à l’Assemblée nationale le 1er octobre 2014 : « Ce canal constitue aussi une réponse essentielle à l’enjeu du développement durable pour les territoires du Nord de la France. C’est pourquoi je m’étonne de vos remarques. Il répond également à la saturation de l’autoroute A1, qui accueille un trafic croissant de poids-lourds. Il faut des solutions moins polluantes pour le transport durable des marchandises. ».

C’EST FAUX

1.)   Une minorité des marchandises transportées par la voie d’eau peuvent être « prises » au camion, et les estimations sont surévaluées:

Le trafic qui peut être reporté des camions vers le fluvial repose pour l’essentiel sur la part des conteneurs. Le rapport Pauvros indique que la part du trafic de conteneurs est de 10% sur l’ensemble du réseau fluvial national.

Le  Canal Rhin-Main-Danube est un canal à grand gabarit allemand dont les caractéristiques sont comparables à Seine-Nord (canal de liaison, grand gabarit, mais ouvrages d’art ne permettant la circulation que sur 2 niveaux sur le parcours). Construit entre 1960 et 1992, il devait atteindre 10 millions de tonnes de marchandises en 2000, il est aujourd’hui de 6,5 millions de tonnes dont 2500 conteneurs, soit moins de 1% du trafic qui est emprunté à la route.

La part du report modal du camion vers le fluvial est au minimum de 1% et au maximum de 10% de l’ensemble des tonnages transportés. Les estimations de VNF prévoyaient un report modal de la route vers la voie d’eau de 5,9 millions de tonnes en 2000, soit 34% des 17 millions de tonnes prévues.

De plus, les estimations de trafic de 2005 ont été globalement surévaluées. Les céréales et  matériaux de construction constituent les 2/3 des marchandises transportées, avec l’énergie on atteint 75%. Le rapport IGF/CGEDD de janvier 2013 indiquait bien que :

(...)                                                                                          

Depuis ce rapport, l’écotaxe poids-lourds a été reportée « sine-die » tandis que les contreparties (autorisation de circulation pour les 44 tonnes, taxe à l’essieu supprimée) ont été maintenues, ce qui a bénéficié au trafic de marchandises par camion comparativement à la voie d’eau et au rail.

L’hypothèse du remplacement de 700 000 camions transportant 5,9 millions de tonnes par an apparaît donc fantaisiste et surévaluée.

En prenant en compte les limites liées au type de marchandises et au nombre de couches de conteneurs, ainsi que les tonnages observés sur les camions, il serait bien plus réaliste de considérer  100 000 et 200 000 camions, pour un tonnage bien moindre, soit 2 à 3% du trafic de l’A1 si tous les camions étaient « prélevés » sur cette seule autoroute (au trafic compris entre 15 000 et 20 000 camions/jour), et un pourcentage infime des centaines de millions de tonnes de fret qui circulent sur le corridor nord.  

 

2.)   La voie fluviale concurrence surtout … le transport ferroviaire de marchandises :

Les estimations de VNF prévoyaient en 2005 un transfert modal de 4,1 millions de tonnes prélevés sur le fret ferroviaire (sur les 17 millions de tonnes envisagées) :

Or, le transport ferroviaire de marchandises a un bilan énergétique très performant, un réseau plus étendu et une plus grande capacité à rivaliser avec le transport par camion (ce qui n’est pas vrai aujourd’hui faute d’investissements).

Le CSNE est un axe de pénétration pour les marchandises volumineuses et lentes. De facto, il ne concurrence pas la route, sa flexibilité et le flux-tendu, mais le rail.

La pertinence du CSNE au regard de la stratégie pour le fret ferroviaire était interrogée clairement dans le rapport IGF/CGEDD de janvier 2013 :

Cette carte de VNF indique clairement que les lignes de fret ferroviaire seront pénalisées dans l’hypothèse de construction d’un canal :

 

3.)  La réalisation du CSNE empêcherait la réalisation d’autres investissements nécessaires dans les transports et dans d’autres domaines :

Le rapport IGF/CGEDD de janvier 2013 prévoyait un effet d’éviction sur les autres investissements si les budgets étaient consacrés au CSNE.

Ceci s’applique au budget de l’Agence de financement des infrastructures de transports (AFIFT), qui est déjà amputée par le report de l’écotaxe poids-lourds qui devait la financer.

Ceci est contradictoire avec les conclusions du rapport des parlementaires réunis dans la commission « mobilité 21 » qui avait établi une liste des infrastructures prioritaires pour préparer le travail de l’AFITF en fonction de critère budgétaires, d’intérêt général, de soutenabilité … Le CSNE n’avait pas été retenu comme projet prioritaire, mais comme projet de second rang.

La volonté de proposer un financement européen à hauteur de 40% dans le cadre du Mécanisme d’interconnexion européen (MIE) aurait le même effet d’éviction pour d’autres investissements. 

Par son dimensionnement et son coût, le CSNE serait un investissement unique et centralisé, contradictoire avec une stratégie plus diffuse de développement d’infrastructures bénéficiant à des tonnages importants (ferroviaire pour les marchandises) ou une population conséquente (transports urbains, lignes ferroviaires de proximité, pour les voyageurs). 

 


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